[RP] Province de Saint Samson - Ile de Guernesey

Il remonta le petit chemin qui serpentait entre les petits buissons taillés avec soin en boules parfaites, et finalement s'arrêta. Il descendit de cheval et le palefrenier se précipita à sa rencontre pour aller mener l'animal aux écuries et en prendre soin.

- Occupez-vous en rapidement, je ne reste pas longtemps, et retrouvez-nous en cuisines, votre présence est également nécessaire.

Le palefrenier se retourna et opina du chef sans chercher à comprendre. Il se dépêcha donc, comme on le lui avait demandé.

Pierre monta les escaliers et s'approcha de la porte avant d'y frapper trois coups. Le maître d'hôtel lui ouvrit.

- Oh bien le bonjour Monsieur ! Heureux de vous voir ! dit-il en le reconnaissant. Quelles nouvelles ?
- Réunissez tout le personnel, nous devons tout mettre en œuvre pour que la Duchesse Madalena et le Duc Acar soient ici chez eux, comme le veut Son Altesse Sérénissime.
- La Duchesse et le Duc ????? Crénom ! Entrez donc Monsieur, je bats le rappel des troupes.

Il alla vers une des dessertes de l'entrée qui portaient de superbes pots de fleurs, et prit une clochette qu'il fit tinter à la volée. C'était le signal pour ameuter tout le personnel de la demeure. Il sortit et descendit les escaliers, puis recommença l'opération pour appeler les domestiques qui pouvaient se trouver dans le parc ou les dépendances.

En quelques minutes, tout le monde était là sans exception, et on alla conciliabuler dans les cuisines, autour de la grande table qu'on trouvait en son centre. Pierre était à une extrémité de la table, et tout autour d'elle, le personnel s'était installé, suspendu à ses lèvres.

- Bien. Comme vous le savez, je reviens tout juste de la cérémonie d'annoblissements à laquelle Son Altesse Sérénissime Aimelin de Millelieues a procédé ce jour. Plusieurs terres de Guernesey et de Jersey ainsi que l'Ile de Sercq ont trouvé de nouveaux seigneurs qui seront là par la volonté de notre Prince. Notre province est de celles qui ont eu cet immense honneur.

Les domestiques se regardèrent, heureux que leur service trouve à nouveau un sens.

- Son Altesse Sérénissime a confié notre province à la Duchesse Madalena, actuel procureur et greffier de la Principauté, et à son époux le Duc Acar.

Cette fois, les domestiques fixaient Pierre avec de grands yeux écarquillés.

- Oui, l'honneur qui est fais à ces personnes comme à nos terres est considérable. Aussi, nous devons nous montrer à la hauteur. Nous avons une chance : le précédent seigneur a aménagé ce lieu de sorte à ce qu'il soit digne des plus grands. Cette attitude dispendieuse très critiquée jadis va nous être d'un secours inestimable aujourd'hui. Car nous disposons d'un écrin digne de loger ce couple Ducal qu'on nous envoie. Je sais que vous avez eu à coeur d'entretenir ce bien avec soin, et là encore c'est d'une aide précieuse. Aussi, voici ce que j'attends de vous.

Les mines se firent plus concentrées que jamais, prêtes à recevoir les consignes pour accueillir au mieux la Duchesse et le Duc.

- Veillez à ce que le ménage soit parfaitement fais, préparez leur lit avec les draps de la meilleure qualité que vous ayez en cette maison, bref mettez tout en oeuvre. Demain, je devrais aller les chercher avec la calèche qui est dorénavant leur. Préparez-la, ainsi que les chevaux. Que le déjeuner que vous préparerez soit digne d'eux. Vos talents ne sont plus à démontrer, n'hésitez pas à les déployer. ajouta-t-il finalement en regardant les cuisiniers. Serez-vous prêts ?

Le Maître d'hôtel se leva.

- Nous ferons tout le nécessaire pour que tout soit prêt et qu'ils soient ici chez eux dès qu'ils auront franchi la grille Monsieur ! répondit-il d'une voix forte au nom de toute la domesticité qui hocha la tête en signe d'approbation.

Pierre sourit alors, fait suffisamment rare pour mériter d'être souligné.

- Je n'en doute pas un seul instant. Je vous laisse donc travailler. Je les guiderais jusqu'ici demain matin, et comme je vous l'ai dis, ils visiteront, s'installeront et déjeuneront ensuite. Nous passerons probablement l'après-midi à Saint Samson.
- Bien Monsieur.

Pierre se leva et remit son chapeau. Le palefrenier fonça lui amener son cheval, tandis que le maître d'hôtel donnait ses consignes comme un chef d'orchestre. Et chacun se mit à l'ouvrage, la joie était dans les coeurs. Enfin ils travailleraient à nouveau pour quelqu'un. Ils se posaient de nombreuses questions, se demandant comment seraient leurs maîtres. Mais l'ouvrage aidant, il les repoussèrent au lendemain, ils verraient bien.

L'Intendant remonta pour sa part sur sa monture et fit le chemin inverse, le gardien Lucas l'ayant précédé pour lui ouvrir la grille. Il avait mille choses à préparer à l'hôtel de ville, il ne fallait pas traîner. Se fut donc au galop qu'il partit pour le bourg de Saint-Samson.

Il arriva vite en vue du bourg, et en traversa une partie pour arriver au petit port. Il prit alors la direction d'un bâtiment qui surplombait les quais, et attacha son cheval dont un laquais de l'Hôtel de Ville vint s'occuper. L'Intendant avait en effet entre autres fonctions d'administrer les communes de la province, à commencer par sa capitale à laquelle elle devait son nom.

Au rez-de-chaussée se trouvaient deux bureaux : celui du secrétaire en charge de la sécurité et de l'accueil à droite, qui tenait les registres des navires entrant et sortant du port, des visiteurs étrangers qu'il guidait et accueillait, et qui se chargeait de la milice de la ville. En face, celui du secrétaire aux finances, qui pour sa part notait les transactions effectuées, les marchandises qui circulaient dans la province, les contrats d'achats et de ventes.

Pierre entra et les deux secrétaires en question sortirent de leurs bureaux.

- Venez dans mon bureau, nous avons à parler Messieurs.

Ils le suivirent donc immédiatement et montèrent après lui les escaliers menant à l'étage et à son propre bureau. Il ouvrit la porte, la laissa ainsi pour permettre aux secrétaires d'entrer, enleva son chapeau et sa veste, puis il leur indiqua d'un geste de la main deux fauteuils pour qu'ils s'installent.

Le secrétaire aux finances, un peu inquiet du fait de l'attitude de l'Intendant, hasarda une question.

- La cérémonie s'est mal déroulée Monsieur ?

- Non mon ami ne vous inquiétez donc pas. répondit-il en se décrispant un peu, réalisant subitement à cette remarque qu'il devait avoir figure plus stricte encore qu'à l'ordinaire.

Il alla prendre place dans son propre siège, en face de ses conseillers avec qui il avait lié de véritables relations amicales pendant ces années de travail commun.

- La province de Saint Samson est dorénavant celle de la Duchesse Madalena et de son époux le Duc Acar.

- Duchesse et Duc ? Eh bien Son Altesse Sérénissime les a gâtés, et nous avec ! s'exclama le secrétaire aux finances. Quelle publicité pour Saint Samson !

- Cela nécessitera d'être plus vigilent en matière de sécurité. renchérit le responsable du domaine concerné.

Pierre regarda son secrétaire à la sécurité avec un air soucieux.

- Vous ne croyez pas si bien dire. Sa Grâce Madalena est Conseiller Princier, mais aussi la filleule de Son Altesse Sérénissime. Lors de la cérémonie, ils ont semblé lié d'une amitié profonde et sincère.

- Et vous redoutez que quelque mal intentionné essaie de s'en prendre à elle pour l'atteindre lui n'est-ce pas ?

Pierre opina du chef.

- C'est à craindre oui. Il va nous falloir protéger le couple Ducal.

Il se leva et alla regarder par la fenêtre qui donnait sur le port.

- Depuis que la France a de nouveaux souverains, les choses changent. Et il y a eu cette visite Ministérielle, non officielle mais qui aura certainement débouchée sur un rapport bien officiel lui. Je goûte fort peu ce type de méthodes je vous avoue.
J'ignore tout du déroulement de la rencontre qui aurait eue lieu en l'Auberge de Mademoiselle Lina hier, mais les rumeurs sont plutôt mauvaises.
C'est curieux, très curieux. Jamais du temps de leurs prédécesseurs des représentants Royaux n'auraient agis de la sorte en terre étrangère. Oui, tout cela est très étrange. Il ne faut pas sombrer dans la suspicion outrancière, mais restons vigilants. Si le rapport est aussi mauvais que les ouïes-dires le laissent redouter, on ne sait pas comment la France réagira.
Aussi pour le moment, nous allons prendre nos quatre meilleurs miliciens et les assigner à la protection du couple Ducal, le temps que leurs Grâces recrutent un corps de gardes pour leur sécurité. Et les autres miliciens ouvriront l’œil et les oreilles plus grand que d'habitude, juste au cas où.

Pierre n'était pas anti-Français, ni anti-Anglais. Il était juste pro-Guernesey. Et pro-Saint Samson. Aussi se faisait-il du souci pour la sécurité de la population et du nouveau couple de dirigeants. La situation changeait de tous côtés, c'était l'évidence même. Il fallait donc veiller au grain.

- Sinon d'un côté plus administratif dirons-nous, il faudra tenir à disposition de leurs Grâces tous nos registres afin qu'ils puissent les consulter à leur gré. Les clefs du coffre de la ville et de celui de leurs rentes que nous avions mises de côté en les attendant leur seront remises demain, durant leur visite.

Intérieurement, il se félicitait de cette précaution qu'il avait prise dès le premier jour, mettant à l'abri la part qui revenait aux dirigeants futurs de Saint Samson, ne prélevant que le nécessaire pour payer les domestiques du Manoir. La somme était à présent conséquente, et permettrait à la Duchesse et au Duc de mener sans problème un train de vie digne de leur rang.

Les revenus de la Province se répartissaient entre l'impôt Princier, les frais courants pour la milice et le quotidien. Une fois ces frais dégagés, le reste était réparti entre le coffre de la Province et celui des dirigeants. Les proportions établies depuis des lustres permettaient une bonne santé financière et un quotidien somme toute tranquille pour la Province qui se portait comme un charme. Une bonne gestion qu'on retrouvait de façon récurrente dans la Principauté, son Altesse Sérénissime n'étant pas du genre à laisser les choses au hasard.

Ses conseillers, qui l'avaient écouté avec attention, prirent la parole à leur tour.

- Les registres sont consultables à tout moment, comme d'habitude. Tout est bien référencé, bien classé. Ils n'auront pas de mal à s'y retrouver. lança le secrétaire aux finances.

Pierre eut un léger sourire et se tourna vers ses collègues de travail. Il avait appris à se reposer sur leur aide inestimable, leur rigueur, leur travail impeccable. Jamais le moindre reproche n'avait été formulé. Et tous trois étaient réunis dans un même amour profond pour Saint Samson. Aussi travaillaient-ils de concert sans aucune difficulté.

- Je n'en doute pas un seul instant. Depuis que nous travaillons ensemble, jamais vous ne m'avez fais défaut, et vous avez toujours accompli admirablement vos tâches. Je tenais d'ailleurs à vous en remercier. Je ne sais si leurs Grâces nous feront l'honneur de nous garder à leur service et à celui de ces terres, mais je tiens à ce que vous sachiez que quoi qu'il advienne, je suis très heureux d'avoir travaillé avec vous.

Les conseillers sourirent à leur tour, l'assurant qu'il en allait de même pour eux. Puis le chargé de la sécurité reprit le sujet le concernant.

- Je vais sélectionner les quatre meilleurs miliciens et je les enverrais au Manoir Fleury demain pour qu'ils servent d'escorte, puisque vous allez les chercher demain si je comprends bien.
Concernant vos inquiétudes vis à vis de la France, si problème il y a eu je crains que ce ne soit toujours le même : la reconnaissance de la Principauté comme un état souverain.
Tant que les étrangers au sens large ne comprendront pas que Guernesey et les Iles de la Manche sont uniques et ont leur propre mode de fonctionnement, leurs propres règles, leur propre étiquette, des incidents risquent de se produire à nouveau.
L'autre jour, un commerçant Français que j'ai accueilli me disait penser en toute bonne foi que nous sommes territoire Français car les registres de l'Héraulderie Royale nous mentionnent comme tel. Si c'est effectivement le cas, il est normal que les gens se trompent. Aussi nous incombe-t-il de rectifier le tir quand ils nous rendent visite et de leur expliquer.
Soyons vigilants mais aussi soyons clairs quant à notre identité dont nous sommes tous si fiers, et à notre indépendance rudement gagnée.

- Comme d'habitude mon ami, le bon sens ne vous fait pas défaut. répondit Pierre. Envoyez vos hommes demain à 8h au Manoir, et à l'occasion rappelons qui nous sommes, courtoisement mais sans ambiguïté possible !
Allez Messieurs, la chose est entendue et nous sommes prêts ! Je vais rédiger un message que nous ferons porter à tous les habitants de la Province pour les informer. Quant à vous, retournez donc à votre ouvrage, il y a à faire.

Les secrétaires se levèrent et prirent congés avant de retourner dans leurs bureaux respectifs. Pierre rédigea l'annonce de la nomination de leurs Grâces, leur arrivée prochaine, et la fit porter aux quatre coins de Saint Samson, du bourg à la campagne avoisinante.

Ce soir-là, la fête fut de mise, la joie fut dans tous les foyers mêlée de curiosité et d'inquiétude tout de même, et les préparatifs allèrent bon train.

[21 août 1651, Manoir Fleury, Saint Samson]

Pierre avait revêtu ses plus beaux vêtements, noirs au demeurant, signe du deuil éternel qu'il portait, et porterait jusqu'à la fin, depuis la mort en couche de sa femme et de leur petit enfant, il y a de cela des années maintenant.

Arrivé à la grille, Lucas lui ouvrit immédiatement. L'Intendant remarqua qu'il n'était pas le seul à avoir fais un effort de présentation, et cela se confirma lorsqu'il arriva devant le Manoir. Tout le personnel qu'il put croiser était vêtu de leur plus bel uniforme.

Le carrosse aux armes de Saint Samson peintes sur les portières, joliment ouvragé mais sans excès, était devant les écuries. Le palefrenier s'occupait d'atteler les deux chevaux qui le tireraient. Quatre autres montures étaient par ailleurs attachées.

Le maître d'hôtel vint à la rencontre de l'Intendant.

- Bonjour Monsieur, nous sommes prêts. Les quatre gardes envoyés par votre secrétaire, avec chacun un ordre de mission nominatif fais de sa main, sont actuellement en cuisine où ils prennent une collation avant de partir.

- Excellent ! Je vais faire un tour rapide du Manoir voir si tout est en ordre, et nous nous mettrons en route. Je n'en aurais pas pour longtemps. Demandez à tout le monde de se tenir prêts je vous prie.

- Tout de suite Monsieur.

Ainsi, tandis que Pierre s'en allait examiner toutes les pièces de la demeure, le maître d'hôtel alla informer le palefrenier puis les gardes que le départ était imminent. De sorte que lorsque l'Intendant s'en revint de son inspection qui lui avait donné pleine satisfaction, le carrosse était en position pour s'engager sur le chemin, le coche et un valet étaient installés, et les quatre gardes étaient sur leurs montures et entouraient le véhicule.

- Eh bien je vois qu'il ne reste plus que moi.

Il s'en fut prendre son propre cheval, et alla se placer en tête du cortège.

- En route, allons donc ramener chez eux nos nouveaux seigneurs ! lança-t-il alors d'une voix forte.

En réponse, les chevaux se mirent au pas, et l'on se mit en route, direction Saint-Pierre-Port.


[12, quartier du Palais, Saint-Pierre-Port]

Ils s'étaient arrêtés un instant pour consulter le plan du cadastre, Pierre ne venant guère à la Capitale de la Principauté que pour les affaires. Arrivés tranquillement après une petite demi-heure de trajet, le cortège avançait donc dans les rues de la ville, guidés par l'Intendant.

Lorsqu'ils arrivèrent au numéro indiqué, il regarda la petite maison, interdit. C'était-il trompé ? Etait-il possible que la Duchesse et le Duc vivent dans une si petite demeure ? C'est alors qu'une voix éraillée se fit entendre derrière lui.

- Vous cherchez quelqu'un ou quelque chose mon bon Monsieur ?

Il descendit de cheval, ôta son chapeau et salua la vieille dame qui s'était adressée à lui.

- Bonjour Madame, je suis Pierre Morin, je cherche la maison de la Duchesse Madalena et du Duc Acar. Sauriez-vous me l'indiquer ?

- Vous y êtes mon bon Monsieur, vous y êtes. répondit-elle.

Elle regarda l'équipage qui le suivait.

- Vous venez chercher les petits pour les emmener dans leur Duché n'est-ce pas ?

- Oui Madame, nous venons les chercher.

Pierre avait l'air bien perplexe, et cela n'échappa à la petite vieille.

- Ce sont de braves petits, très travailleurs et très gentils. Prenez bien soin d'eux. Et faites attention, ils sont si gentils que parfois, la méchanceté du monde, ils ne la voient pas. Après, pour la noblesse, celle de l'âme ils l'ont, mais il va falloir leur apprendre l'aspect matériel de la chose. ajouta-t-elle en riant doucement. Ce ne sont que des artisans, enfin ça l'était, vous voyez ? Ne soyez pas trop dur, ils débutent comme Duc et Duchesse. Sur ce, bonne journée Monsieur !

L'Intendant regarda partir la petite vieille sans même dire un mot tellement il se sentait idiot. C'était évident et pourtant il n'y avait même pas pensé ! Il avait tout prévu, sauf ça. Quel crétin... Mais tout problème a sa solution, et il avait déjà dans l'idée le nom de la personne à appeler au secours. Il s'en occuperait après.

Il s'avança donc et alla frapper à la porte de la petite maison, faisant signe à tout le monde de se tenir prêt.

[21 août 1651, au 12 quartier du Palais, Saint-Pierre-Port]

Lena n'avait pas réussi à dormir. Elle avait peur de ses nouvelles responsabilités, puis aussi elle était toute surexcitée à l'idée de découvrir tout plein de nouvelles choses. Alors elle avait tourné et retourné dans le lit, et finalement elle avait vu les rayons du soleil qui revenait passer sous le volet de la petite fenêtre.

Alors, elle s'était levée sans bruit pour pas réveiller Acar, avec dans l'idée de déjeuner un poil, mais même un bout de pain ça passait pas tellement elle avait le ventre tout à l'envers. Elle s'employa à tenter de s'habiller du coup, avec sa plus jolie robe pour faire bonne impression aux gens. Elle se battit un moment mais finit par y arriver. Elle coiffa sa tignasse blonde, puis se mit à ranger le peu d'affaires qu'ils avaient dans leur malle.

Les habits d'Acar étaient posés sur une des deux chaises, et sur la table, il y avait les papiers de l'anoblissement et sa couronne. Une fois qu'elle eut tout bien rangé, il ne restait plus que ça dans la pièce, à part les meubles et les draps du lit. Tout tenait dans la malle, et encore y avait de la place.

La poussinette s'assit sur le chaise libre, et regarda encore une fois les papiers. La nuit avait beau être passée, elle en revenait toujours pas. Elle regarda ensuite la couronne qu'elle prit entre ses petites mains. Tant de choses se bousculaient dans sa caboche. Elle pensait à ses parents morts y a quelques années et qui devaient être si contents là-haut de voir leur blondinette faite Duchesse. Mais passer de rien à tout d'un seul coup, c'est énorme quand même, même pour quelqu'un de fêlé de la carafe !

Elle était plongée dans ses pensées, se demandant comment leur vie allait changer en fait avec tout ça, quand on frappa à la porte. Elle regarda la porte en question d'un air un peu absent, avant de réaliser et de se lever pour aller ouvrir.

Oh bonjour Monsieur Morin ! lança-t-elle gaiement.

Et subitement, elle se rappela qu'on les attendait, et Acar il était pas encore prêt !

Euh on est pas encore prêt, ça a été mouvementé hier, et du coup on a été tout à l'envers. expliqua la poussinette avec un sourire gêné.

[21 août 1651, 12 quartier du Palais, Capitale de la Principauté]

La porte s'ouvrit au bout d'une minute, et la Duchesse apparut. Pierre s'inclina profondément devant elle en enlevant son chapeau remis depuis sa conversation avec la vieille dame.

Bien le Bonjour Votre Grâce.

Pas prêts ?

Ne vous inquiétez de rien, nous attendrons que vous soyez prêts. répondit-il donc en se relevant.

Il regardait la petite jeune femme avec calme, malgré le fait que la suite de ses activités dépendait de son bon vouloir. Elle était toute jeune encore, et d'après ce qu'il venait d'apprendre, tout ceci devait être complètement nouveau pour elle.

Votre carrosse vous mènera, Monsieur le Duc et vous-même, au Manoir Fleury où vous résiderez désormais s'il vous convient. Nous pourrons y déposer vos effets, vous faire découvrir les lieux ainsi que votre personnel. Vos cuisiniers vous ont préparé pour le repas de la mi-journée un menu qui, je l'espère, sera à vos goûts à tous deux. L'après-midi, nous pourrons visiter la ville principale de votre Duché et dont il porte le nom. Cela vous convient-il Votre Grâce ?

Plus il la regardait, plus il lui semblait que sous son air tout à fait aimable, elle était très nerveuse. Il espérait que sa prévenance la détendrait un peu, le temps de prendre ses marques. Il ne pourrait que la guider, c'était elle et son époux qui donneraient les directives à présent. Mais pourquoi la guider alors qu'elle pourrait tout lui prendre ? Il ne savait pas, il n'arrivait pas à éprouver de l'animosité contre elle. Au contraire, il avait envie de l'aider. Pestant contre lui-même, il se laissa guider par son instinct, qui ne l'avait encore jamais trompé.

[21 août 1651, au 12 quartier du Palais, Saint-Pierre-Port, sur le pas de la porte]

Elle entendit Acar bouger dans le lit, alors elle ferma la porte pour discuter avec Monsieur Morin pendant qu'il se préparerait si y se levait. Elle écoutait le Monsieur, tout semblait bien réglé.

Leur carrosse. Elle regardait le véhicule fixement, un peu comme si elle essayait d'assimiler les informations. Il y avait leur blason sur la portière. Puis elle regarda à nouveau Monsieur Morin.

Le Manoir Fleury ? C'est un joli nom. lui dit-elle finalement, après avoir été silencieuse un long moment.

C'est bien comme programme, merci de l'avoir organisé. Est-ce que c'est loin ?

Elle avait essayé de se faire une idée avec la carte que son parrain lui avait donnée, mais décidément elle y arrivait pas.

Ah, dur dur ce réveil... Ma douce, ou es-tu ?

Le lit était bien vide, soudainement...

[21 août 1651, 12 quartier du Palais, Capitale de la Principauté]

La jeune femme semblait complètement perdue. Sûrement l'appréhension devant tout cet inconnu. Lui-même en venait à se demander comment cette affaire allait tourner.

Je vous en prie Votre Grâce. Non une demi-heure de trajet environ suffit pour se rendre chez vous. répondit-il simplement.

Il lui sembla alors qu'une voix provenait de l'intérieur de la maison, mais il n'aurait pu en jurer. Il restait donc parfaitement calme et stoïque, prêt à répondre à toutes les questions de la Duchesse.

[21 août 1651, au 12 quartier du Palais, Saint-Pierre-Port, sur le pas de la porte]

Ah oui c'est pas loin du tout c'est bien ! C'est important pour mon travail, il faut que je sois pas trop loin pour pouvoir venir vite si y a des criminels ou si le Prince il a besoin d'aide ou si des gens veulent avoir une maison, vous voyez ?

Un bruit dans la maison. C'est Acar ?

J'ai entendu un truc, excusez-moi je vais voir.

Elle rentra, et vit Acar en effet, plus ou moins réveillé et qui semblait la chercher.

Bonjour ! lança-t-elle alors.

Elle s'approcha de lui et l'embrassa.

Il faut se dépêcher, Monsieur Morin il est venu nous chercher pour nous amener à la nouvelle maison ! Vite lèves-toi allez !

Se dépêcher ?? Mais mon cœur, je parie que le soleil n'est même pas levé...

Il regarda donc par la fenêtre... Qui est cet homme sur le perron ?

Que dire... Juste... Bonjour !

Et bien mangeons puisqu’il le faut et partons donc. Mais quand même, le soleil n'est point levé depuis fort longtemps ! Il fut étonné de son parler.

Il regarda une dernière fois ce monsieur Morin, puis arracha une bonne portion, au pain...

[21 août 1651, au 12 quartier du Palais, Saint-Pierre-Port]

Lena se mit à rire. Elle enleva les draps du lit, les plia, les rangea, et ferma la malle.

Elle dit rien pendant un moment pour qu'il se concentre sur son repas, et fit le tour de leur petite maison pour voir si elle oubliait rien. Rapide le petit tour, vu que la maison avait qu'une pièce.

Quand tu seras habillé, on sera bon j'crois bien.

Elle avait un petit pincement au coeur, mais si ils s'installaient dans l'autre maison, elle pourrait faire faire les travaux qu'elle voulait pour celle-là. Elle voulait la faire agrandir, embellir, tout ça. Et comme ça, si besoin, ils auraient une belle maison à Saint-Pierre-Port aussi.

Elle avait économisé exprès pour ces travaux après que Acar ait été malade, pour qu'il soit plus malade. Mais avec cet anoblissement, il aurait ce qu'y a de mieux, et il serait peut-être plus malade.

Elle sourit alors, beaucoup plus détendue d'un coup. C'était un cadeau avant tout, fallait mieux le voir comme ça. Et si elle avait pas été à la hauteur, son parrain lui aurait jamais confié.

[21 août 1651, au 12 quartier du Palais, Saint-Pierre-Port]

Elle s'approcha de lui, rajusta par-ci par-là.

Tu es très beau ! répondit-elle avec un grand sourire.

Elle l'embrassa, puis elle allait vers la malle quand elle s'arrêta d'un coup. Elle se retourna vers son chéri.

Je crois bien que c'est plus à nous de porter ça.

Elle alla donc à la porte et l'ouvrit.

Pardon de l'attente Monsieur Morin. On est prêts. On a une malle comme bagage.

Façon pas trop brutale de dire qu'elle sait pas quoi en faire là pour le coup, accompagnée d'un graaaaaaaaand sourire poussinesque.

Monsieur, merci à vous de prendre soin de nous !

Il chuchota alors à son épouse : Ça va là ? Je parle suffisamment bien pour qu'il me comprenne ?

A qui est ce carrosse, monsieur ? Rajouta-il...

[21 août 1651, Saint-Pierre-Port]

Il n'avait pas rêvé, il avait bien entendu quelque chose. La Duchesse disparut dans la maison, et il fit quelques pas. Pour sûr, le Manoir allait les changer de leur demeure actuelle.

Finalement la Duchesse reparut, suivie du Duc. Pierre s'inclina en ôtant son chapeau.

Monsieur le Duc, bien le bonjour.

Ce carrosse est le vôtre à tous deux Votre Grâce. Ne vous inquiétez pas pour votre bagage, nous nous en occupons.

Le valet était descendu, et entré dans la maison. Il prit le bagage et alla le mettre à sa place, à l'arrière du véhicule. Puis il leur ouvrit la portière.

Si vous voulez bien vous donner la peine. dit alors Pierre en indiquant le carrosse.

la peine ? la joie, pensa-il, plutôt.

Amour, chuchotant toujours, quand avons-nous acheté ce carrosse, là ? Je ne me souviens pas, ma bourse non plus ?

Il reprit bien fort : Et bien, donnons-nous de la peine alors !

Il suivit donc, se posa en l’intérieur de la charrette, puis, observant, il se gratta le menton : Mais, reprit-il, comment allons-nous le rembourser, ton parrain, mon aimée ?

Car je ne vois pas comment je pourrai y arriver, il me faudrait plusieurs vies. La petite maison, je l'aimais bien...

[21 août 1651, Saint Samson, arrivée au Manoir Fleury]

Il regardait la Duchesse qui ne semblait plus savoir où regarder ce paysage magnifique. Il eut un imperceptible sourire à ce constat : pour un amoureux de son pays, comment ne pas se réjouir de le voir apprécié ?

Voici les ruines du Château des Marais. dit-il en indiquant de la main la direction d'une colline surplombée de restes de murs.

Il faisait jadis partie du système de défense des Iles, et serait contemporain du Château Cornet. Il a été abandonné par la suite.

Et voici le chemin qui mène au Manoir Fleury. ajouta-t-il tandis que le cortège s'engageait sur la bifurcation.

La route principale mène à Saint Samson. De là-bas, une route secondaire mène au village appelé Les Chapelles, qui est aussi sur vos terres. Les autres habitants sont dispersés dans la campagne, dans des fermes et autres exploitations que nous vous ferons découvrir par la suite.

Pendant qu'il procédait à ces quelques explications, un peu penché vers la fenêtre du carrosse et parlant fort pour se faire entendre malgré le bruit des chevaux et des roues, on s'approchait des grilles de la propriété.

Nous arrivons chez vous Vos Grâces. dit-il alors.

Le cortège s'arrêta et Pierre alla au devant de la grille, où Lucas attendait anxieusement et tendait le cou pour tenter d'en apercevoir d'avantage.

Allons mon cher Lucas, ne faites donc pas attendre nos Seigneurs, ouvrez-leur ! lança l'Intendant en se retenant de rire.

Il n'était pas porté aux fous rires, mais l'attitude du gardien était vraiment comique.

Fermez derrière nous et venez nous rejoindre avec votre famille, que je vous présente.

Lucas acquiesça et se dépêcha d'ouvrir les deux grilles bien grand. L'équipage se remit en marche alors, et on pénétra dans le parc, tandis qu'un grincement indiquait que les ordres avaient bien été exécutés et les grilles closes.

Et enfin, le carrosse et son escorte s'arrêtèrent. Et Pierre alla lui-même ouvrir la portière.

Vos Grâces, soyez les bienvenues au Manoir Fleury, demeure seigneuriale de la province de Saint Samson.

Et il se tourna vers les domestiques qui s'étaient rassemblés bien en lignes devant le Manoir.

Veuillez accueillir nos nouveaux seigneurs par la volonté de Son Altesse Sérénissime Aimelin de Millelieues, la Duchesse Madalena et le Duc Acar !

La phrase fut accueillie par une révérence générale que le personnel effectua comme un seul homme.

[21 août 1651, en balade dans son Duché, mais un peu perdue là quand même]

Lena regardait de partout, et essayait de mémoriser ses terres. Elle essayait d'écouter Monsieur Pierre aussi, mais avec tout ce bruit c'était pas facile.

Elle regardait ce qui restait du Château des Marais.

*Comment ça se fait qu'un morceau du système de la défense il soit dans un état pareil ?!? Faut que j'en parle au Conseil Princier c'est tout pas possible !*

Le sujet passa dans une case de la cervelle blonde pour ressortir plus tard. Car Monsieur Pierre venait de lui annoncer l'arrivée imminente au Manoir Fleury, alors elle reprit son scrutage.

Ils arrivèrent à une espèce de petit bois avec au milieu le chemin par lequel tout le cortège se faufilait. Elle essayait d'écouter toujours. Il y avait donc la ville de Saint Samson et aussi un village avec un tout joli nom, puis des fermes. Note dans le citron blond, et d'un coup tout s'arrête.

Elle passa la tête dehors, et vit Monsieur Pierre qui parlait à quelqu'un. Ils s'étaient arrêtés devant des grilles que la personne ouvrit. Lena fit un coucou de la main à ce Monsieur quand ils passèrent, et l'homme s'inclina profondément en réponse. Elle sourit, un peu surprise. Il faudrait s'habituer aussi à ça.

Elle découvrit alors le jardin avec de jolis buissons bien taillés en rond, une pelouse toute jolie bien entretenue, des arbres tout le tour, et finalement...

Acar regardes !

Le Manoir était apparu et Lena ouvrit de graaaaaaaaaaannnnnnnnnnnnnnnnnnds yeux.

Il est immeeeeeeennnnnnnnnnnssssseeeeeeeeee !

De chaque côté, des bâtiments plus ou moins cachés par les arbres, puis au centre le Manoir lui-même, tout rouge-orange joli avec le toit tout gris. Tout le cortège s'arrêta, et la portière s'ouvrit. Lena regarda Acar et se lança la première après une profonde inspiration. Aidée par Monsieur Pierre, et en tenant sa robe pour pas se casser la figure sur le marche-pieds, et elle se retrouva devant tout un tas de gens inclinés.

Elle se poussa pour laisser Acar descendre. Elle ne savait pas trop quoi leur dire. Alors, autant faire simple hein !

Bonjour ! Merci pour votre accueil !

Egale à elle-même quoi.