[RP] Des mots qui font mal...

[Lendemain de l’enterrement d’Esmée, 19 septembre…]

La nuit avait été rude. Il ne cessait de penser et repenser à cette journée, à cet enterrement…Mais il était une chose qu’il avait oubliée et dont il ne se rappela que le lendemain matin lorsqu’il posa le regard dessus. Elle était là, posée sur son bureau par un serviteur qui avait dû la trouver dans une de ses poches, la lettre qu’Annabelle lui avait donnée…

Cette lettre, il l’avait dépliée, et en avait lu les premières lignes dans la cathédrale alors que Cylouan commençait son discours. Il avait donc abandonné sa lecture, suivant la cérémonie, et avait oublié ce message…

Ce message, ne lui était pas réellement destiné. Esmée avait tenté de se libérer par les mots de la souffrance qu’il lui avait infligée en la quittant. Il n’aurait sans doute jamais dû le lire, et s’il avait eu des doutes sur elle, sur ses sentiments, il était difficile de ne pas croire ce qu’elle avait écrit dans ce message qui ne devait être lu de personne.

Parcourant les lignes, son regard s’embruma au fur et à mesure de son avancement. Il ne l’avait pas cure, et à présent…Elle était morte…Jamais plus il ne pourrait lui demander de lui pardonner d’avoir douté d’elle, jamais plus il ne pourrait lui dire regretter que ça se soit terminé ainsi…C’était terminé, et rien ne saurait changer cet état de fait. L’on dit que le Roi a tout pouvoir, mais face à ce genre d’évènements, il est aussi démuni que n’importe qui…

Durant plusieurs jours encore, il passa le plus clair de son temps enfermé, ne sortant que bien rarement, et lorsqu’il le faisait était d’humeur maussade. De ce fait, afin de ne point déranger de par sa morosité, il ne restait guère longtemps.

Dans cette épreuve, Athénaïs restait la plupart du temps à ses côtés, même s’il parlait peu, même s’il se contentait de la tenir dans ses bras, attendant que le temps passe et que la douleur s’amoindrisse…

Les jours défilèrent, la souffrance, lentement, s’atténua, mais une autre allait venir s’ajouter à celle déjà existante…

[Le 25 septembre…]

Douze jours qu’elle était morte, une semaine qu’elle était enterrée, et il ne pouvait cesser d’y penser. S’il lui arrivait de retrouver un semblant de sourire, la tristesse l’étreignait toujours autant. Il avait compris dès le départ, que cette fois, c’était vrai, et qu’elle était bel et bien morte…Mais il avait fallu quelques jours pour qu’il le réalise réellement. Au début, il la voyait partout, dès qu’il croisait une jeune femme avec une robe rouge, il croyait que c’était elle, qu’elle était revenue, que tout cela n’avait été qu’un mauvais rêve…Mais à présent, il se rendait compte qu’il ne la croiserait plus dans la rue ou les couloirs d’un château, il ne la verrait plus faire une catastrophe qui lui retomberait dessus, il n’entendrait plus son rire et ces mots qu’elle lui susurrait à l’oreille…Non. Esmée s’en était allée. Et jamais il ne la reverrait…

Alors que cette douleur était encore bien vive, martelant autant son cœur que son esprit, un messager vint à lui. De suite, il reconnut le sceau et la surprise s’empara de lui. C’était sa femme qui lui écrivait…Comment cela se faisait-il ? C’est en la dépliant et lisant les premières lignes qu’il comprit, et l’étonnement fut de mise, lui qui croyait que sa femme était dans ses appartements…

Un froncement de sourcils à ses mots alors qu’elle disait le savoir fort occupé et qu’elle cherchait à le voir, ce dont il n’avait rien su, se disant d’ailleurs qu’il avait bien plus de soutien de la part d’Athénais que de son épouse qui ne lui avait pas dit un mot, pas fait un geste envers lui durant ces tragiques moments. Il poursuivait sa lecture, fronçant les sourcils, ne sachant trop que penser de ce qu’elle évoquait…Il était vrai qu’ils s’étaient éloignés, il l’avait bien ressenti lui aussi, mais ce n’était pas que de son fait. Il ignorait ce qu’elle faisait depuis des mois, avec qui elle était…Il la savait de constitution fragile mais avec le temps, des doutes avaient germé dans son esprit. S’il ne tenait pas compte outre mesure des rumeurs qu’il entendait, il pensait que sa présence lui était devenue dérangeante. Il n’était pas tout blanc, de loin pas. Il n’ignorait pas que la nouvelle de le savoir avec Esmée lui avait fait mal, mais il avait tenté néanmoins de rattraper cela, de lui montrer qu’elle comptait elle aussi, il lui avait proposé une sortie…Elle l’avait rejeté. Et cela, il le comprenait. Il lui avait donc dit de réfléchir à cela et ensuite…Plus rien. Il ne la voyait que peu, mais son but n’était certainement pas de l’abandonner. Depuis quelques temps, il avait des doutes, se disant que s’ils se voyaient si peu, ce pouvait aussi être à cause d’un homme qu’elle aurait rencontré, peut-être à cause du fait qu’elle ne le supporte plus à cause de ses relations avec Esmée et Athénais…

Autre froncement de sourcils lorsqu’il arriva au moment où elle évoquait Athénaïs, qui lui prenait sa place…Dans son cœur, certainement, aux yeux du royaume, sûrement pas. Athénaïs n’avait pas rôle de reine, et ne se comportait certainement pas comme telle. C’est alors qu’elle parlait de ses fonctions, et du fait que sa présence ne soit pas souhaitée, une fois encore, il ne put réprimer une expression de surprise.

Il suspendit sa lecture un instant, prenant place dans un fauteuil, sentant qu’il allait encore en apprendre qui pourraient sans doute le faire tomber à la renverse.
Il était, en cet instant, dans une sensation mêlée de tristesse et d’incompréhension. Il ne doutait guère du fait que son épouse ressente réellement cela, mais il n’avait pas eu l’impression, lui, d’avoir érigé un mur, au contraire…Cette foire à Amiens, il l’avait faite en partie pour elle, espérant qu’elle sorte et voit du monde…Malheureusement, ce ne fut guère le cas et elle ne vint qu’au bal. La voyant avec le diacre, il n’avait pas voulu déranger, se disant qu’il était bien, pour elle, qu’elle parle à quelqu’un, qu’elle voit d’autres personnes…Mais il semblait qu’il se soit trompé là encore et que ce n’était pas ce que elle, elle désirait. Pourquoi ne lui avoir rien dit ? Pourquoi toujours garder ainsi tout pour elle ? Il ne savait plus que penser…

En lisant cette lettre, il ne pouvait nier qu’il y avait là une souffrance, qu’il n’avait même jamais imaginée. Certes il faisait sa vie, mais ce n’est pas pour autant qu’il l’oubliait comme elle le croyait. Il repensa à leur rencontre, alors qu’il ne cherchait qu’une femme à épouser afin d’avoir un héritier. Au nombre de fois où, au début de leur relation, il se disait qu’il ne saurait l’aimer, et qu’il n’en avait que faire…Et au fil du temps…Il avait fini par l’apprécier. Au point même que l’on s’étonnait parfois de son comportement envers elle, comme lors de son enlèvement où il ne tenait plus en place, et s’était énervé comme jamais contre une personne innocente. Et lorsque les Nemours ont demandé cette réunion pour avoir sa version, et qu’elle s’était éclipsée de la salle, effondrée, il l’avait suivie, se moquant bien de ce que l’on penserait. L’homme avait pris le pas sur le Roi en cet instant de malheur…Mais le temps passant, ils s’éloignèrent peu à peu. Elle disait avoir fait les fondations, et il est vrai qu’à partir du moment où Louis-Philippe se sentait rejeté, il avait difficultés à revenir vers les gens même si, lorsqu’ils se voyaient, il laissait ce ressenti de côté. Aussi n’avait-il pas l’impression d’avoir érigé un mur, et si c’était le cas, alors, il l’avait fait inconsciemment.

Ce courrier venait ajouter à la douleur qu’il ressentait déjà, une certaine culpabilité s’était emparée de lui, mais s’il n’allait plus vers elle, elle n’allait plus vers lui non plus…Et sans doute qu’une conversation bien avant qu’ils n’en arrivent à ce point, aurait pu aider à changer les choses…A présent, le mal était fait, il était trop tard. Il ne savait que faire, il devrait lui répondre, oui, mais pour dire quoi ?