[RP]Le château de Roselande

Monsieur de Roselande, la quarantaine bien entamée, avait décidé de se retirer des affaires, sa fortune largement faite. A l'origine, Eudes Rosen était né en Zélande, dans une famille modeste de marins. De ses aptitudes intellectuelles et de sa force physique, il avait tiré grand parti et, de navigation en navigation puis, par engagement, de combats en combats, il était devenu, quoique non issu de la noblesse, un puissant amiral de guerre. Mais, les batailles apportent la gloire et les blessures mais non la fortune : celui qui était devenu Monsieur l'Amiral Eudes de Roselande, avait obtenu sa retraite de la marine de guerre et, s'était installé comme commerçant, à Bordeaux. Ses navires, ses connaissances maritimes et ses relations commerciales nouées de l'Italie jusqu'au Grand Turc, avaient fait son immense fortune. Or donc, Monsieur de Roselande ayant tout ce qui est nécessaire pour subsister, il avait fini par se marier avec une jeune fille de bonne famille impécunieuse et la fraîche et belle Madame Constance de Roselande, lui avait donné une fille, Solange, avant de décéder en deuxième couche.
Monsieur, meurtri par le décès soudain de son épouse et peu soucieux de se remarier, avait élevé sa fille seul, si l'on exceptait bien sûr l'aréopage de serviteurs, gouvernantes et autres valets.

Solange était aujourd'hui âgée de seize ans et Monsieur son père, avait ainsi décidé de se rapprocher de la capitale, mais point trop : l'on s'installerait donc en campagne, en bordure de la ville d'Amiens, afin de goûter à un air encore sain.
La famille Roselande prenait donc ses quartiers dans un charmant petit château édifié à la mode italienne du XVe siècle et qui avait été soigneusement réaménagé pour l'occasion.

Et ainsi, en cette journée d'octobre, point trop froide mais un peu pluvieuse, un lourd carrosse fit son entrée dans la cour principale de la bâtisse, alors que des serviteurs rangés le long des escaliers du perron, attendaient l'arrivée de leurs maîtres.

(édité pour balisage)

Mademoiselle Solange de Roselande, seize ans était une fort jolie jeune fille de taille moyenne, gracile et gracieuse. Elle était aussi très coquette, vive et enjouée : elle était à la fois le plus grand bonheur et le plus grand tourment de Monsieur son Père. Assise sur la banquette qui lui faisait face, elle était vêtue d'une robe à large vertugadin et manches à crevés, tenue fort élégante mais aussi fort peu seyante pour voyager. Elle portait les cheveux en chignon haut, poudrés et ornés de perles et de plumes rouges qui, dans les cahots du carrosse avaient tendance à chatouiller le nez de son pauvre père.

Le voyage, depuis Bordeaux avait été pour la jeune fille, fort agréable : elle avait dépensé des sommes folles dans toutes les foires et marchés villageois rencontrés, elle avait perdu au jeu, avait accumulé tant de nouvelles robes, bijoux et colifichets que son père s'était vu contraint, non sans moult récriminations a acheter une nouvelle charrette pour les transporter, bref ce voyage avait été très plaisant mais elle avait maintenant grand hâte de découvrir sa nouvelle demeure.

Aussi, le carrosse à peine arrêté et le marche-pied installé, Solange se ruait hors de la voiture... Enfin, façon de parler, le vertugadin ayant une très nette tendance à coincer à la porte de la voiture attelée. Après quelques contorsions et l'intervention zélée de serviteurs dévoués, Mademoiselle pouvait enfin gravir les marches du perron pour découvrir le château.

La jeune fille n'eût pas un œil pour le rez-de-chaussé mais se précipita au premier pour y découvrir ses appartements. Elle avait jouissance de toute une aile du château : elle y avait une antichambre qui servirait également de salle de jeux, un grand boudoir qui ferait aussi salon de réception et une vaste chambre ornée d'un ravissant lit à baldaquin et de causeuses tous ornés de vieux velours rose.
Mais aussi, il y avait après la chambre cette singulière exigence de Monsieur son père qui lui venait des pays d'Orient dans lesquels il avait séjourné lors de ses commerces : une salle aux ablutions. La salle avait été bien entendu adaptée aux exigences de ce siècle, on y trouvait une grande cuve destinée aux grands bains, une petite cuve destinée aux petites toilettes, un lit d'appoint pour se sécher et se reposer les humeurs après les eaux, un paravent derrière lequel Mademoiselle pouvait se faire poudrer et un nécessaire à l'édification des perruques. La pièce était chauffée constamment par une large cheminée, les eaux étant chauffées dans des réservoirs souterrains du château, sur le modèle romain.

Solange découvrait son nouvel environnement avec ravissement, entraînant ses jeunes servantes avec elle, tout en s'émerveillant des merveilles du château de Roselande.

Pendant ce temps, la cohorte des serviteurs déplaçait des meubles, des vases, des décors, des tapisseries, des vêtements, dans un ballet qui ne semblait devoir se finir.

Le voyage, depuis Bordeaux avait été pour Monsieur de Roselande un cauchemar, en raison de sa stature d'abord : il était en effet grand et fort corpulent et voyager longtemps lui était un calvaire, en raison de la compagnie sa chère fille ensuite : bien sûr ses bavardages étaient charmants et ses attentions délicates mais, elle avait aussi été fort capricieuse et fort dispendieuse or, en bon marchand, Eudes de Roselande était soucieux de sa fortune, quoiqu'elle fut considérable, bref Monsieur était un tantinet radin mais, en bon père de fille unique, se laissait mener par le bout du nez.

Enfin, bon gré mal gré, l'on était arrivé à Amiens. Monsieur descendit du carrosse, gravit le perron en soufflant et en souffrant, cru trépasser d'une apoplexie en gagnant le premier étage et essuya les reproches de son médicastre qui n'avait de cesse de lui enjoindre de faire moins bonne chère.

Bref, après avoir constaté que son cœur faisait bonne résistance, Monsieur de Roselande alla visiter ses appartements, qui faisait le pendant de ceux de sa fille : il y avait une antichambre qui servirait de bureau et de bibliothèque, un grand salon de réception, un vaste chambre avec un lit à baldaquin aux dimensions colossales exigées par la silhouette de Monsieur et bien sûr une salle des ablutions.

Épuisé, Monsieur alla s'asseoir dans sa chambre, fit retirer sa perruque et demanda à prendre un peu repos avant d'ôter ses habits de voyage.

Mademoiselle de Roselande s'était quelques instants alanguie sur une causeuse de sa chambre, afin de prendre un peu de repos.
Une fois remise, alors que les serviteurs continuaient à ranger, ordonner les derniers habits arrivés, les malles ayant été enfin toutes vidées, elle passa dans sa salle destinée aux ablutions.
Là, elle se fit rafraîchir, repoudrer et fit le choix de porter une robe rouge et or. Elle passa en premier un jupon, que vint couvrir un vertugadin et enfin la robe à sage décolleté qui fut complétée par un manteau dans les mêmes tons de couleurs. Elle ajouta à la tenue un collier et des pendants d'oreilles en perles. Elle passa ensuite à sa coiffeuse pour de simples boucles dans les cheveux qui furent ensuite attachés en une coiffure simple.

Solange enfin prête se leva alors et alla déclarer à l'intendant de la maison :

"Faites savoir à Monsieur mon père que je m'absente un temps, accompagnée de deux chaperons : je me rends en effet en ville, afin de répondre à une invitation."