[RP] Une lettre surprenante

Mariana avait confié à un messager une lettre qui surprendrait probablement son destinataire, autant qu'elle la surprenait elle-même. Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle le faisait au fond, pour sa conscience? Pour plaire à la comtesse qui lui avait conseillé? Par sincérité quand elle dit qu'elle veut changer et reprendre sa vie en main? Sans doute pour toutes ses raisons. Elle avait des torts dans toute cette histoire, elle avait mis du temps à l'admettre mais si elle n'est pas seule fautive, elle devait enterrer la hache de guerre pour vivre en paix avec elle-même.

Citation :

                   

Eu, le 18 juillet 1653

Gregory,


pour la centième fois au moins je reprends cette lettre avec toujours la même question, pourquoi? 
Pourquoi je t'écris je n'en ai pas la moindre idée, tout comme je ne sais pas pourquoi j'agis ou je réagis comme ça. Je sais que tu me hais et je ne peux t'en vouloir j'ai tout fait pour cela. Demain je regretterais probablement ces mots mais ce soir qu'importe, il me faut te les écrire. 
J'ai passé du temps en compagnie de la comtesse, elle a une grande influence sur moi, elle m'est bénéfique je ne saurais dire pourquoi mais elle m'aide. Elle m'a conseillée de faire table rase du passé, d'oublier ma haine pour atténuer mon chagrin. Je ne suis pas persuadée que ce soit efficace ni que ce soit une bonne idée mais je ne le saurais jamais si je n'essaie pas.

Tu dois connaître la vérité sur ma venue en France... Il le fallait, il fallait que ce soit moi sinon ils t'auraient tué, tu connais mon père il ne t'aurait laissé aucune chance et je ne pouvais pas le tolérer. Je n'ai jamais voulu tout ça, tu sèmes le mal autour de toi mais j'ai agis de la même façon et je n'ai pas à te juger.

La comtesse me montre que malgré tout le noir qui m'entoure en ce moment, ma vie n'est pas finie, qu'elle commence au contraire et que j'ai le choix entre m'apitoyer sur mon sort et t'en vouloir, te rejetant la faute, ou tirer un trait et avancer. Je tente la seconde option et pour y parvenir je dois tourner la page.
Je ne sais si nous nous reverrons un jour, probablement puisque je serais à Amiens sous peu, je ne le souhaite pas plus que toi crois-le bien, mais si le destin te remet sur ma route, sache que je ne te garde pas rancune.

Au revoir Gregory, essaie de ne faire de mal à personne, pas même à toi.

Mariana

 

La soirée avait été étrange. La nuit avait été brûlante, les mots, les caresses et les baisers davantage passionnés que les jours précédents. Puis tout s'était arrêté. Ils avaient été trop loin et elle avait décidé de fuir, tard, bien trop tard pour pouvoir revenir en arrière dans ce que lui dictait son coeur. Il avait tenté de la retenir, maladroitement, elle n'avait pas tout compris même si au fond elle savait ce qu'il refusait de lui dire. Puis dans un ultime adieu elle lui avait fait comprendre, elle avait enfin pu formuler cet aveu qui lui étreignait l'esprit.
 
Elle savait qu'il ne pourrait pas le lui pardonner mais elle se devait d'être honnête pour la toute dernière fois. Il n'en croirait peut-être rien, mais pas un jour elle ne lui avait menti. Etrange quand on sait qui elle était. Et pourtant, chaque minute passée avec lui avait été sincère. 
Elle s'était enfuie, courant jusqu'au palais pour plier ses bagages une bonne fois pour toute. Après une nuit de larmes, elle s'en alla faire ses adieux à ses hôtes et fit porter une lettre à Gregory. La dernière. Le coeur lourd elle franchissait à l'aube les portes de la ville.

Citation :

Gregory,

comment résumer ce que je ressens en quelques mots? Je crains que ce ne soit impossible. Je ne sais si d'ailleurs si l'on te lira un jour cette lettre. 
Je te demande pardon. Je me suis enfoncée dans ce personnage et j'ai perdu pied. Je suis devenue Victoria, loin du personnage qu'on m'a toujours imposée de jouer, j'étais libre pour la première fois, libre de rire, de penser, d'apprendre et surtout libre d'aimer. Pas un jour ne passait sans que je ne veuille tout t'avouer, mais à mesure que grandissaient mes sentiments, ma lâcheté s'intensifiait. 

Tu sais aujourd'hui pourquoi je ne pouvais pas lâcher prise entièrement, ça aurait été trahir mon éducation et ce qu'on voulait de moi. Mon esprit se torturait chaque fois que je posais les yeux sur toi, que nos lèvres se rejoignaient, que nos caresses se faisaient plus brûlantes. Je trahissais ma famille, ma soeur mais le pire dans tout ça c'était de devoir te mentir. J'ai essayé de tout te dire, je pensais qu'après notre rencontre chez la comtesse, je ne te reverrais plus, puis le destin en a décidé autrement. J'ai rencontré un homme sincère et je suis devenue sincère. Chacun de mes mots, de mes gestes, de mes baisers étaient sincères. Je te le jure sur ce que j'ai de plus cher au monde. 

J'avais décidé de partir sans que jamais tu ne saches qui j'étais, une jolie fille parmi d'autres que tu aurais tôt fait d'oublier, au lieu de cela je me suis attachée à toi au point que je n'imaginais pas un instant de ne plus te voir. Ce qu'il s'est passé entre-nous cette nuit m'a fait prendre conscience d'une chose que je sais depuis toujours. Finalement je crois qu'on ne la fera jamais cette course et jamais nous n'irons danser au bal, quant à la maison j'y renonce avec peine.
Ne me hais pas je t'en prie, jamais je n'aurais été aussi réelle que depuis Victoria. Toute ma vie n'a été qu'un vaste mensonge et enfin j'ai pu devenir ... moi. 
Jamais je ne t'oublierais, jamais je n'oublierais ce qu'il s'est passé et toujours je nourrirais le regret d'une autre réalité si seulement tout avait été différent.
Tu ne me reverras plus, je sais que c'est mieux ainsi, du moins il me faut m'en convaincre, mais pour toujours je te garde cette place particulière dans mon coeur.

Prends soin de toi et sache que quelqu'un sur cette terre t'aime pour ce que tu es.

Despedida

Victoria.

Elle avait signé Victoria, elle était Victoria, ce n'était certes pas son nom de baptême mais c'était devenu son nom de (re)naissance. Elle ne savait pas où elle irait alors que l'on chargeait ses malles dans une diligence affrétée pour...nulle part. Plus rien avait d'importance. Plus rien ne comptait aujourd'hui. En n'ayant eu la faiblesse de le laisser faire, elle s'était perdue et elle l'avait perdu. Jamais plus ils ne se reverraient et à cette perspective, son coeur se joignit à ses yeux pour pleurer.