[RP] Utopie - Les crasses de la Duchesse de Vertus

Il était parti vers les quartiers des domestiques, et plus précisément la cuisine avec un chef qui se faisait traiter comme un poisson pourri. Fallait dire que là, il était, en plus d'être écoeuré, énervé. Non mais comment ce genre de choses pouvait-il être possible ? Alors qu'il en était à enguirlander son cuisinier qui se confondait en excuses, bien que ne comprenant pas comment cela avait pu se passer, il entendit hurler dans le couloir.

Il passa la tête dans l’entrebâillement de la porte et remarqua Ursula qui entraînait sa jeune servante jusqu'à sa chambre. Sortant de la cuisine, il les suivit du regard, intrigué. Un froncement de sourcils à certains de ses mots, se pourrait-il que ce soit Mina la responsable ? Il avait du mal à le croire...En même temps, cela l'étonnait grandement aussi de la part des gens qui étaient à son service, et ce, depuis de longs mois, et qui avaient toujours été irréprochable...A part Robert, mais lui c'est une catastrophe ambulante, ce n'est pas sa faute.

Lorsque sa soeur fut repartie, il se dirigea vers la chambre de Mina et interrogea le garde.

Je ne sais pas ce qu'il se passe, Madame m'a dit de ne pas la laisser sortir, c'est tout ce qui je puis vous dire.

Il repartit donc comme il était venu, entendant les sanglots de la jeune femme au travers de la porte. Il verrait plus tard pour éclaircir cela avec elle...

[Quelques jours plus tard...]

Le 7 novembre, Louis-Philippe apprit que c'était l'anniversaire de sa soeur. Mais n'ayant encore jamais discuté de cela, il ignorait que c'était ce jour et n'avais donc rien prévu. En discutant avec elle, il se rendit compte qu'avoir un animal lui plairait. Aussi demanda t-il aussitôt à ses gens de trouver un chaton, un sacré de Birmanie. Race assez rare pour que les valets mettent trois jours à trouver, mais lorsque ce fut enfin fait, il fallait bien l'avouer, ils avaient bien choisis. Le chaton était magnifique.

Louis-Philippe décida donc de l'amener dans la chambre d'Ursula dans la soirée, peu avant qu'elle ne rentre pour se coucher. L'animal l'attendrait sagement sur une petite banquette achetée spécialement pour lui. Oui, les chats royaux sont gâtés !

Mina écouta l'échange entre le roi et Robert retenant son souffle. Si Robert avait menti, elle ne lui en aurait pas voulu, comprenant bien qu'il aurait sauvé sa peau avant la sienne ce qui aurait été tout à fait légitime. Mais ce ne fut pas le cas. Plus la conversation avançait, plus elle était surprise et agréablement. La tête baissée au début, elle la releva peu à peu regardant tantôt le roi, tantôt Robert.

Bon, Robert était adorable, elle l'aimait beaucoup.. En tant que meilleur ami. C'était dans cette maison... enfin, ce château son seul confident. Et encore, elle ne pouvait tout lui confier... L'usurpation, son amour de toujours pour le roi devait rester enfouit au plus profond d'elle. Et puis malheureusement, Robert n'avait pas été gâté par la nature et tout adorable qu'il l'était, elle ne se voyait pas du tout avec lui. De toute façon, elle était, à ce jour, incapable d'en aimer un autre.

En voyant Louis-Philippe, ainsi, dans son fauteuil, elle eut un sourire. Un souvenir remonta en elle. Petit, il restait le plus souvent discret, allant se cacher quand on lui faisait trop de misère. Elle l'avait tellement suivi, qu'elle était l'une des seules à savoir ses cachettes et il arrivait que Madame De La Brie en Carly lui demande de le ramener.

Une fois, il avait fait une colère contre son frère. Elle ne se souvenait plus la raison, mais il avait été trop mignon. Il avait rougit, avait gesticulé dans tous les sens, puis avait fini par aller bouder dans un fauteuil. Aujourd'hui l'image de ce petit garçon lui revenait. Il était en apparence calme mais elle savait qu'à l'intérieur il devait bouillir. Elle constata alors après plusieurs longues secondes... minutes... qu'elle avait le regard rivé sur lui et qu'il la regardait..

Elle ne savait pas quoi répondre. Robert et elle c'était retrouvés dans la chambre... Comment expliquer, face au mensonge du servant qu'ils c'étaient séparés ? Elle attrapa une mèche de cheveux qu'elle entortilla dans ses doigts :

- Oui Majesté. Il devait vérifier vos plats et moi porter les poissons à ma s.. Maîtresse.

Elle se mordit la langue, grimaçant de ce fait. Elle avait failli dire "sa soeur" cette erreur aurait été dramatique. Elle aurait dû s'expliquer, mentir, encore et encore et elle n'en pouvait plus de lui mentir :

- Nous nous sommes alors retrouvé dans les appartements de celle-ci.

Mina soupira. Comment prouver sa vulnérabilité ? Elle avait beau se retourner l'esprit, elle ne voyait pas. Puis soudain une idée :

- Bon. Les poissons ont été déposés là, pendant que les servantes n'étaient plus dans la salle d'eau. Et je suis arrivée très vite après en entendant vos cris. Ce qui veux dire que si c'était moi, je n'aurais pas eu le temps de m'éloigner pour me changer, me laver les mains par exemple. Donc, je devrais avoir l'odeur du poisson sur moi, puisque je l'aurais porté des cuisines, aux appartements de Dame Ursula à ici. Et le poisson ça pue.

Elle s'avança vers le roi. Restant immobile face à lui :

- Majesté.. Si vous voulez bien vous approcher de moi... Si vous sentez une quelconque odeur de poisson sur moi, alors j'accepterai n'importe quelle sanction.

C'était un raisonnement autant stupide que... stupide. S'il acceptait de le faire, elle allait être troublée qu'il s'approche ainsi d'elle et s'il n'acceptait pas, elle avait sans doute réussi à le mettre en colère que d'avantage. Surtout que Mina, elle n'avait pas du tout l'odeur du poisson sur elle... mais une odeur plus sucrée de fruits rouges. En effet, elle se parfumait ainsi depuis son enfance et avait réussi malgré les sévices de sa sœur à conserver ce parfum.

Restée immobile, elle attendait la sentence. Elle craignait sa réaction à sa proposition. Comment avait-elle osé demander une chose pareille au roi ? Elle secoua légèrement la tête, pensant qu'à présent elle allait ne plus rien dire. Elle jeta un regard à Robert, un peu à l'écart, qui ne disait plus rien. Lorsqu'elle serait libérée de cette pièce, il faudra qu'elle le remercie pour ce qu'il avait fait pour elle.

Puis soudain, elle sentit comme des picotements sur son poignet. Elle baissa les yeux et vit la main de Louis-Philippe dessus. Qu'allait-il faire ? L'amener dans un cachot ? La faire battre pour son insolence ? Tout un tas d'idée passa dans sa tête. Mais sa poigne n'avait rien à avoir avec celle de tout à l'heure. Il semblait à présent beaucoup plus calme et ses gestes se faisaient alors beaucoup plus doux.

Il se pencha vers son poignet pour sentir. Elle sentait encore son coeur prendre un rythme irrégulier. C'était ainsi, elle ne pouvait être autrement. Elle se délectait de la moindre proximité qu'elle avait avec lui. Elle savourait chaque fois qu'il la touchait, même si pour lui, ces gestes n'étaient rien d'autre que celui d'un roi face à une moins que rien.

Son attitude l'intrigua. Il resta là sans bouger quelques instants. Ce parfum, elle le portait depuis toute petite et avait toujours refusé de le changer. Un jour elle avait ramassé des framboises qu'elle lui avait portées et il lui avait dit qu'il aimait beaucoup. Elle avait alors demandé à sa mère comment avoir un parfum de framboise, pensant qu'ainsi, il allait l'adorer à elle autant que les fruits. A ce souvenir, elle ne put s'empêcher de sourire niaisement.

Sourire qui s'échappa bien vite lorsqu'elle repensa qu'il avait tout oublié. Pourtant, ils avait partagé beaucoup de moments tous les deux, moments d'enfant, certes. Comment pouvait-il ne plus se rappeler ? Où pire tout associer à Ursula ? Ne serait-ce que les cheveux. Elle avait toujours était blonde comme les blés et Ursula noir corbeau.. Elle soupira.

Il lui indiqua qu'elle pouvait y aller. Elle fut soulagée pour deux choses. La première, il lui fallait s'éloigner de lui pour reprendre ses esprits, la seconde, il venait de comprendre qu'elle n'était pas fautive. Du moins, elle l'espérait. Alors qu'elle allait le saluer et sortir de la pièce, il lui posa une question qui la figea sur place :

Louis-Philippe a écrit:

D'où vient donc ce parfum ? Il ne m'est pas...Inconnu...

Elle avait qu'une envie, lui hurler que c'était elle, Mina, elle qui l'aimait depuis le premier regard il y a des années. Même s'il lui fallut longtemps pour comprendre la nature de son attachement de gamine. Elle avait envie de lui dire que ce parfum était pour lui.. Elle ouvrit la bouche, sans son... Elle ne savait quoi dire. Elle souhaitait tellement qu'il se rappelle et que cette mascarade finisse. Elle était tellement lasse :

- C'est mon parfum de toujours, depuis que je suis petite fille. Mais je suis sûre qu'en fouillant dans votre mémoire et votre coeur, vous trouverez seul la réponse... Majesté, comme vous me l'avez autorisé, je vais prendre congés.

Elle s'inclina, la gorge nouée. Elle n'avait pas trop mal répondu. Elle passa devant Robert et lui fit signe de la suivre :

- Allez Robert, nous avons du pain sur la planche. Laissons le roi reprendre son bain sans mauvaise surprise cette fois...

Elle se dirigea vers la porte.

La première diligence fut la bonne. Elle ne prit même pas une voiture à son frère. Non, elle était repartie comme elle était venue, comme Madame tout le monde, ses sacs en main. Le Louvre, Paris. Tant de rêve d'enfant parti en fumée. Elle qui avait tout fait pour devenir la soeur du roi et pouvoir vivre là-bas. Elle était ce matin à la fois dépitée, triste, déçue, tant de sentiments qui se mêlaient en elle.

Elle ne savait plus où elle en était. Il y avait eu cette première soirée. Elle y avait rencontré la fameuse Marie-Jeanne, épouse de Narcisse, Charles de Beaumont, qu'elle aurait sans doute pu mettre dans son lit mais dont elle n'avait pas voulu, car cet homme ne lui inspirait aucune confiance. Elle en avait d'ailleurs informé son frère, dont elle ignorait s'il avait pris ses réserves au sérieux. Ensuite il y avait eu Duncan. L'arrivée de cet homme l'avait grandement perturbé. Elle avait vu en lui une copie de Bastian, si bien qu'elle c'était demandé si ce n'était pas lui déguisé. Mais pensait ça l'avait complétement perturbée et elle avait fini la nuit à pleurer, enfouie sous ses couvertures, le vide dans sa poitrine toujours présent et aussi douloureux.

Puis la deuxième soirée. Elle c'était pris la tête avec Marie-Jeanne. Il était évident que les deux femmes ne s’aimeraient jamais. Parce qu'Ursula avait été trop loin avec son mari, dont à l'époque, elle ignorait tout. Enfin soit, elle avait fait une description d'Ursula assez violente. Sans doute avait-elle raison. Mais elle avait tant d'efforts pour s'améliorer depuis, que toutes ses critiques l'avait au final blessée. Mais le pire dans tout ça, c'est qu'elle eut l'impression que son frère et Athénais en était heureux de cette scène. Sans doute que tout le royaume voyait Ursula comme un monstre, que personne ne pouvait se douter que dedans, il y avait un coeur qui pouvait être blessé.

Oui Ursula avait vraiment été un monstre les premiers temps. Puis elle avait appris l'amour. L'amour pour l'autre, l'amour d'une famille. Elle qui c'était promis de ne pas s'attacher à Louis-Philippe, de par son usurpation, il s'avérait qu'au final, elle finissait par se prendre à son propre jeu et le considérait réellement comme le frère qu'elle n'avait jamais eu. Mais comme l'avait si bien dit Athénais, le seul défaut de Louis-Philippe, c’était elle, sa "soeur".

Elle avait donc décidé, après une troisième soirée, de repartir pour l'Utopie. Elle était allé en taverne, avait revu Narcisse, mais elle n'a pas bronché. Elle avait informé son roi de frère de sa décision, rien n'avait été fait pour la retenir, elle était donc rentrée pour boucler ses malles et prendre sa diligence.

Le trajet fut tout aussi désagréable que l'aller. Elle se demandait même pourquoi elle était allée les rejoindre. Si au fond, son frère ne l'avait pas amené, ce n'était pas pour rien, il n'avait pas voulu d'elle là-bas. Ni lui, ni ce qu'elle avait cru être pendant un moment, sa famille. Elle retrouva l'Utopie et Mina qui était restée là.

Elle demanda un bain, et une fois que celui-ci fut pris, elle s'engouffra dans son lit, même si faisait plein jour et qu'il était encore tôt. Mina était devenue distante avec elle, si bien qu'elle ne cherchait même plus à savoir ce qu'avait sa soeur. Elle faisait simplement son rôle de servante et l'appeler même Madame. C'est alors que pour la première fois, Ursula se rendit compte d'une chose. Elle avait trop joué, se fichant de tout. Maintenant qu'elle aurait aimé être entourée, elle se retrouvait seule, haït de tous.

Elle tourna la tête vers Mina :

- Si jamais on me demande, dis que je suis souffrante. Qu'on me laisse ici, seule. Je ne veux aucune visite, rien. Juste un repas par jour.

Elle allait rester là, des jours s'il le fallait, elle n'avait rien de mieux à faire.