[RP] Le Port Maritime de Eu - Les Quais du Treport

Fanfan avait longé le navire de long en large et de droit à gauche enfin plutôt de tribord à bâbord. Il y avait tant de chose à voir et à observer sur un pont qu’elle en perdait la notion du temps. Elle était fascinée par la construction navale et les maniements d’un tel navire. Elle était attirée par cette structure dont  des flashs lui perturbaient l’esprit, mais elle était à l’aise sur ce navire et elle n’en connaissait pas le pourquoi. Elle se trouvait vers la proue. Fanfan aperçut le bossoir en bois sculpté, elle se pencha un peu sur le gaillard  pour le regarder de plus prêt mais il était bien trop loin pour le contempler comme elle l'aurait souhaiter.  Elle put constater que l’organeau d’ancre était encore noué.  Des petits détails pour expliquer que le navire ne partait pas à la dérive. Mais lorsqu' elle vit la sculpture de la proue, elle pencha la tête ;  une magnifique figure féminine, elle n’était pas très visible de là où elle se trouvait,  fanfan n’aurait su dire de quel genre était cette sculpture, elle   écarquilla les yeux, « l’offrande à la mer doit être à la hauteur de nos espérances, elle doit  apaiser les dieux de la mer de loin » cette phrase raisonna dans sa tête.

Prise d’un drôle de sentiment, la jeune fille préféra se redresser et abandonner l'idée de l'admirer de plus près, elle  ferma les yeux en secouant la tête.

-Vlà ti pas qu’entin des voix mint’nin

Fanfan repris sa visite et s’arrêta devant la cloche en bronze. Elle  brillait par les  rayons du soleil qui jouaient à cache-cache avec les nuages printaniers. Elle reluisait et attirait  la jeune fille  qui posa sa main dessus.

L’angélique, MDC....  lisait elle, mais elle n'aurait sur lire la date,  Milaidie ne lui avait pas appris cette matière et donc était incapable de lire les chiffres romains .

Le nom gravé était  surement le nom du navire. Fanfan se mit à sourire. Le bateau d’Estéban portait le nom d’une femme. Pourquoi l’angélique ?
Quand soudain, la jeune fille fut prise d’un  violement mal de tête inexpliqué qu’elle ne pouvait contrôler. Elle ferma les yeux et appuyant fortement sa main  sur son front, replié sur elle, elle  vit des images  énigmatiques défilées : une mer houleuse, une cloche tintant l’assourdissait, des hurlements  d’hommes et enfin un grand brouillard  qui la ramena à la raison, cet état n’avait dû durer que quelques secondes, mais   Fanfan ne comprenait rien. Ce n’était pas la première fois que des souvenirs voulaient percés sa mémoire, mais elle s’en refusait  de les voir   préférant vivre sa vie comme elle l’entendait.  Mais sur ce navire, c’était pire que dans ses nuits agitées.

Les esprits revenus, elle reprit sa visite comme si de rien n’était,  quand elle arriva à l’arrière du navire,  devant la porte de la grande chambre. Le seul endroit  qui n’avait pas encore été  inspecté par la jeune fille.

Elle poussa la porte et fut stupéfaite par la pièce. Les grandes tentures lui donna un vertige majestueux, tout comme les tableaux et les cartes postés sur chaque parti des murs et l’odeur du bois régnait dans l’atmosphère. Elle resta là, admirant  la pièce quand son regard s’arrêta sur Estéban. Il était assis  dos  à la mer. La dunette surplombée les eaux  et Fanfan pouvait les voir d’où elle se trouvait.

Euh Cap’taine ?! fit elle sans vouloir le déranger l’mingé est bintot là ,

Elle avait pris  place   à la table après les recommandations du capitaine. Les mains propres !  Voilà une drôle d’idée, Fanfan elle n’avait pas vraiment l’habitude de ce rituel avant de prendre un repas. Quand elle mangeait généralement dans sa bicoque, elle ne cherchait pas le style  et la propreté. Fanfan avait encore bien à apprendre des rudiments de la vie en société mais elle s’en accommoderait.

Silencieuse, elle prit le contrat devant elle. Elle savait lire mais il lui fallait encore un peu de temps pour tout déchiffrer. Chaque lettre formait un mot et chaque mot formait une phrase. Elle lisait les deux exemplaires et n’avait rien à redire. Ils étaient identiques.  La lecture ne faisait pas tout, la compréhension  était une autre affaire. Elle comprit cependant  qu’elle recevrait un salaire de 150 Louis et qu’elle était liée par un contrat avec le capitaine de l’Angélique. C’était bien la première fois qu’elle faisait acte de travail.  

La jeune fille saisissait alors la plume et la trempa l’embout  dans l’encrier. Elle se rappela de l’aide apportée par Milaidie et des moyens pour ne pas tacher table et parchemin.  Elle vit un buvard qu’elle glissa sous sa main gauche. Elle ne voulait pas souiller son contrat et signa très soigneusement de son nom.  Son attitude démontrait qu’elle s’appliquait, le nez presque sur le papier, la langue légèrement tirée, et la lenteur de son écrit, le dernier « n » étant apposé, elle souffla sur les lettres encrées pour les faire sécher.

Fière d’elle, fanfan l’attrapa à deux mains, tendues devant elle  et observait ses propres progrès.  Un hochement de la tête et elle remit ses contrats à son employeur

V’là m’cap’taine,  chui mintin à tes ordes ! fit elle en croisant ses bras.  

Elle aurait pu attendre pour entamer une quelconque conversation, mais pipelette, elle s’empressa avant que le cuistot ne se pointe  avec la victuaille.

Elle  ne pouvait pas s’empêcher de regarder autour d’elle, il y avait tant de choses à observer que ses yeux naviguaient sur les moindres recoins

-  Il é est grin et biau, tin batiau

quand soudain elle vit un objet  qui lui fit tilt en tête. Elle se leva brusquement et s’approcha d’une tablette où était disposée une boite au couvercle levé.

Eune boussole ! s’exclama t- elle  en la voyant au centre du  renard de navigation.

Ce fut à ce moment-là, que le maitre coq entra,  en saluant son capitaine ; il avait les bras chargés de plats. L’odeur fit palpiter les narines de la jeune fille qui laissa son émerveillement aux outils de navigations. Elle s’installa à table et remercier celui qui servait le repas. Du poulet et des légumes fumaient sur la table mais Fanfan attendit patiemment l’autorisation d’entamer son assiette.

Du poulet rôti, des légumes bouillis, du pain,

Fanfan se servait remplissant son assiette bien plus que de mesure. Elle avait faim, d’ailleurs cette avidité lui tenaillait  le ventre souvent et il ne passait pas un moment où se mal disparaissait.  Elle engloutissait de la fourchette d’une main alors que l’autre, elle  tenait une cuisse de poulet engouffrant la victuaille. Chaque bouchée  remplissait sa bouche à lui donnait un air de hamster qui faisait ses réserves hivernales. Elle fit glisser le tout par un grand verre d’eau fraîche. Sur ce coup-là, elle oubliait même le gout de la bière dont elle avait pu goûter un soir en taverne, l’eau la rassasiait. Son estomac était plein, elle ne se rappelait plus de la dernière fois où elle avait senti un ventre bien arrondi à la fin d’un repas. Elle prit la serviette et essuya sa bouche, de gestes instinctifs, comme croisé sa fourchette et son couteau au centre de l’assiette  quand un repas était terminée. Elle tenait le morceau de pain dans sa main, elle savait qu’elle devait le terminer, chose qu’elle exécuta.

Fanfan leva son regard sur Estéban qui ne disait mot.

[édit]

Plusieurs jours s’étaient écoulés. Fanfan avait tenu son contrat comme écrit, et le capitaine avait, quant à lui, respecter le salaire, il lui versait 150 Louis par jour de travail. A son dernier jour, le capitaine du navire l’Ange Gabriel, avait contrôlé son travail, les gueuses étaient étalées comme demandé et le lestage  assurerait la stabilité du navire . Elle avait bien eu un peu de mal dans les premières heures, ses mains connaissaient le dur labeur d’un travail honnête mais le capitaine qui l’avait pris sous son aile et la conseillait, lui expliquait, la consolait si besoin. Cette dernière semaine avait métamorphosé la jeune fille.  


Fanfan, à ce jour, avait en poche suffisamment d’argent pour quitter la flambée et avait pris soin de se loger convenablement en attendant de rentrer sur Amiens avec Cylouan. Le travail était accompli,  et le départ du navire était proche. Fanfan le savait, mais elle ne le pensait pas vraiment. Elle espérait que cet homme à l’image de son père puisse rester à Eu. Mais quelle idiote, comment une pauvre gamine aurait-elle pu faire changer le destin.

Ce dernier jour, elle l’appréhendait, et elle n’avait pas tort.  Ce soir-là, elle attendait son capitaine dans une des tavernes d’Eu. Elle espérait lui offrir le verre .. que dire .. la bière de l’amitié qui les avait lié au premier jour de leur rencontre. Mais ce soir-là, seuls des habitués, Lui  n’était pas là .  
Elle reçut un message venant de la capitainerie du port qui lui annonçait le départ de l’Ange Gabriel.

Inquiète, elle s’était levé brutalement abandonnant les quelques convives. Il n'était pas possible que le départ du navire puisse être précipité.

Elle partit en courant au port, bousculant les badauds restant pour la soirée auprès  de fille des rues pour leur  ferveur.

Non cap’taine, non cap’taine .. pas mintin .. furent les seuls mots que la jeune fille pouvait sortir dans un essoufflement  avant d’arrivé vers la bite d’amarrage  à laquelle était rattachée l’Ange Gabriel .

Elle vit le navire au loin  mouiller les flots, sonnant la cloche et la seule lueur de la lanterne donnant la position du bateau.

Capitaine Estéban !! se mit elle à hurler .. les mains près de la bouche  pour pousser son cri vers l’Ange parti trop vite .

Capitaine  ne part pas .. Nin .. capitaine !!!

Les larmes lui coulaient sur les joues rougis par la froideur de ce mois de mars. Les yeux rivés sur l’horizon,   elle voyait partir sans un au revoir son capitaine

Il a pris route pour les Indes,. Fanfan se retourna et vit un vieux loup des mers, un  marin  en retraite où la mer ne voulait plus de lui, il avait  le regard droit devant et l’air triste.
ils ne sont pas prêts de revenir au pays. continuait il sans lâcher le rivage Faut espérer que les dieux seront avec eux,  il est bien rare qu’ils reviennent

Il savait des choses sur les états des océans et cette période n’était pas propice au voyage. Fanfan détourna son regard et ne vit plus le navire. Il devait être loin maintenant

Va prier la madone ma p’tite, pour leur bon salut . terminait il avant de quitter le port dans un brouillard qui engloutissait cette histoire.